Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

Philip K. Dick
SF

Le mouton n’était pas mal, avec sa laine et ses bêlements plus vrais que nature – les voisins n’y ont vu que du feu. Mais il arrive en fin de carrière : ses circuits fatigués ne maintiendront plus longtemps l’illusion de la vie. Il va falloir le remplacer. Pas par un autre simulacre, non, par un véritable animal. Deckard en rêve, seulement ce n’est pas avec ses maigres primes que lui rapporte la chasse aux androïdes qu’il parviendra à mettre assez de côté. Holden, c’est lui qui récupère toujours les boulots les plus lucratifs – normal, c’est le meilleur. Mais ce coup-ci, ça n’a pas suffi. Face aux Nexus-6 de dernière génération, même Holden s’est fait avoir. Alors, quand on propose à Deckard de reprendre la mission, il serre les dents et signe. De toute façon, qu’a-t-il à perdre ?

Résumé personnel :  Sur une Terre dévastée par une catastrophe nucléaire et vidée de presque tous ses habitants, ceux qui restent luttent en permanence contre le plus terrible des fléaux : la solitude. Pour cela, et pour se prouver que l’on est bien humain, rien de mieux que de s’occuper d’un animal. Un vrai animal, pas une pâle copie électrique qui ne sert qu’à éviter de perdre la face auprès des rares voisins qu’il nous reste.C’est dans ce contexte triste et morbide que Rick Deckard, un chasseur de prime chargé de « retirer » des androïdes illégalement arrivés sur Terre depuis les colonies martiennes, se voit offrir le job de sa carrière : retirer à lui seul six androïdes, dans la même journée pour plus d’efficacité. S’il réussit, il pourra enfin remplacer son mouton électrique qui lui fait si honte par un animal bien vivant, qui lui permettra peut-être de se sentir vivant, lui aussi…

Avis personnel : Je vais commencer par une affirmation toute personnelle qui ne regarde que moi : ce bon vieux K. Dick est bien plus doué pour ses nouvelles que pour ses romans. Attention, je ne dis que ce livre n’est pas bien, ou que je ne l’ai pas aimé. Mais il souffre d’un défaut que je trouve commun à presque tous les romans de l’auteur : parfois c’est dur de ne pas lâcher, tant certains passages peuvent être confus. Confusion toute volontaire semble-t-il, pour faire écho aux questionnements des personnages. Mais des fois, vraiment, c’est pas facile. Et je vous avoue que si j’ai mis autant de temps à écrire ce billet, c’est que j’ai préféré lire le livre deux fois, afin d’être sûr de ne pas en avoir loupé. Bien, ça c’est dit, on passe à la suite.

Ce roman est très Dickien, dans ce sens où la science-fiction et même le scénario servent vraiment de contexte pour exposer le questionnement des personnages. Dans le fond, le plus important n’est pas de savoir si Rick va réussir ou non à retirer tous ces andros, la vraie question que pose le livre, c’est dans quel état (mental) va-t-il en sortir. Pour mieux comprendre, analysons brièvement le contexte :  suite à une guerre éclaire dont personne ne se souvient même plus du pourquoi, la Terre est contaminée par la radioactivité. Tout meurt à petit feu et les humains restant sur Terre sont condamnés à être empoisonnés par la poussière radioactive. D’ailleurs, lorsque que vous êtes trop atteint, on fait de vous un « spécial », un être contaminé qui perd peu  à peu ses capacités cérébrales et qui se retrouve au bas de l’échelle sociale, privé de ses droits ( de se reproduire ou d’immigrer dans une colonie) et avec moins de considération qu’un androïde. 
Mais surtout, les premiers à souffrir de cette guerre furent les animaux. Il n’en reste quasiment plus, et les survivants sont vendus selon des règles très strictes à des prix d’or, suivant les estimations d’un catalogue qui devient presque une bible pour certain ( ce qui est le cas de Deckard ). Comprenons : possédé un animal est ce qui fait de vous un être sensible doué d’empathie. L’empathie est la qualité la plus prisée chez les êtres humains. Elle a même sa propre religion : le Mercérisme, qui par le biais de boites à empathie permet de relier tous ceux qui s’y connectent afin qu’ils fusionnent avec Mercere, un personnage mystique et messianique, afin de partager ses souffrances et ses joies.
Les androïdes, eux, sont fabriqués afin de travailler dans les colonies au services des colons. Pour cela, on les fait ressembler le plus fidèlement possible aux humains, sauf pour une chose : ils sont dénués de toute capacité d’empathie. C’est d’ailleurs grâce à ça que les chasseurs de primes les repèrent, grâce au fameux test de Voigt-Kampff qui comprend de nombreuses questions ayant pour but d’analyser les réflexes émotionnels du sujet.   
On comprend alors rapidement le problème qui enfle petit à petit dans l’esprit de Deckard : lui, un humain doué d’empathie, dont le rêve le plus ardent est de posséder enfin un animal vivant pour lui vouer toute son attention, est un tueur. Un tueur d’andros, certes, mais cela fait-il une différence ? Ces androïdes, qui tour à tour vont le faire douter de son humanité, ne sont-ils pas supérieur aux humains, grâce à ce manque d’empathie qui les rend froid, calculateur et si intelligents ? Sa rencontre avec des ces andros doués de séduction, de tromperie ou même de talents artistiques lui feront douter de sa propre humanité, surtout lorsqu’il tombera nez à nez avec un autre chasseur de prime, froid et cynique, représentant parfaitement tout ce qu’il refuse de devenir.

Vous le comprendrez, je ne peux pas résumer de façon brève cette histoire bien trop complexe. Le mieux sera bien sûr de vous faire cotre propre avis. Mais entamez cette lecture en sachant ceci : vous serez loin, très loin, du film Blade Runner. Ce dernier a bien sûr dû faire un choix en écartant nombres d’éléments de l’œuvre originale : les animaux, le Mercérisme, l’incapacité des Andros à ressentir une quelconque forme d’empathie, et même ce bon vieux Ami Buster et ses Amis, une émission de télé qui tourne en boucle, sans jamais rien apporter de très intelligent, mais qui semble être la seule émission existante ( l’abrutissement et la manipulation par la télévision est un thème récurrent chez K. Dick ). Le film nous apporte une vision linéaire, manichéenne d’une histoire qui est bien plus complexe, bien plus profonde et qui est plus là pour questionner l’humain que pour offrir une histoire policière divertissante.Ce livre regorge d’une multitude de détails très inventifs dont l’auteur a le secret, et je ne peux que vous conseiller de le lire, posément, afin de vous aussi vous questionner sur l’Humanité avec un grand H, dans ce qu’elle a de plus beau, de plus tragique et de plus absurde. 

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